Nora Rupp
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Nora Rupp (1981) est une photographe suisse diplômée en photographie à l’École Supérieure d’Arts Appliqués de Vevey en 2003. Elle a travaillé pendant 10 ans comme photographe au sein du Musée des beaux-Arts à Lausanne, et se consacre aujourd’hui entièrement à sa pratique personnelle. En 2021 elle a conçu une exposition rétrospective sur 20 ans de pratique de l’autoportrait, accompagnée d’un mini-festival féministe, largement relayés par les médias - Un corps à soi.
Depuis plus de 22 ans, elle utilise son corps pour se confronter à elle-même et questionner la condition des femmes dans notre société. Son travail lui permet de lutter contre les mécanismes intériorisés tout au long de sa vie. Ses projets engagés nous amènent à observer les oppressions exercées sur les femmes.
Son travail a été récompensé par des prix, tels que le Swiss Press Award 2022, et et a été exposé dans des Musées Suisse (Neuchâtel, Bienne) et à la Biennale de Images Vevey 2024 il fait partie de collections privées et publics tels que celle de Photo Elysée et de la FOAC. En 2024 elle sort son premier livre photo Un corps à soi, aux éditions La veilleuse.
Cabanes des possibles
Un corps à soi
2021
2009
2022
2022
2022
2021
2020
2013
2013
2011
2010
2010 - 2022
2009
2008
2007
All images © Nora Rupp
Design: Aurèle Sack
Code: Romain Cazier
Typeface: LL Grey/Lineto
© 2024 Nora Rupp. All rights reserved.
Presse:
Durant les 165 jours de l’occupation du Mormont à Eclépens (octobre à mars 2020 – 2021), je me suis immergée et j’ai photographié la vie communautaire de l’intérieur. Petit à petit, mon appareil photo en main, j’ai été acceptée par les habitant·e·s du lieu, puis même remerciée pour la trace qui était conservée. J’ai pu voir et photographier l’évolution de la première ZAD de Suisse, clou après clou, cabane après cabane. J’ai tenté de comprendre leurs questionnements, leurs doutes, leurs fragilités, leurs puissances, leurs forces et leur créativité. J’ai pu observer leurs expérimentations. Ils et elles m’ont ouvert leurs maisons et m’ont offert leur confiance. J’ai alors senti que j’avais le privilège d’être une « passeuse de mondes », que mon travail photographique pouvait permettre un dialogue entre une société craintive de ce qui sort des « normes » et un milieu activiste qui souhaite créer un nouveau monde, avec le risque de se recroqueviller parfois dans un entre-soi protecteur, pour pouvoir toucher du bout des doigts ce monde imaginé.
Durant ces 165 jours, la ZAD, installée sur la colline du Mormont, a expérimenté d’autres façons d’habiter et vivre ensemble. Une ZAD, une Zone à Défendre, est un moyen collectif, inclusif et expérimental de défendre les écosystèmes qui nous font vivre. Mais c’est aussi une Zone à Décrire ; un lieu vivant où expérimenter de nouveaux modes de vie en commun, de nouveaux rapports à l’habitat, à la création et à la nature. Les activistes étaient venu·e·s défendre une colline, mais la découverte de cet espace vivant avec d’autres personnes prêtes à tout lâcher dans ce but, les ont confronté·e·s à de nouvelles réalités. Comment vivre ensemble sans lois imposées de l’extérieur ? Comment se lier aux autres et prendre conscience des rapports de pouvoirs existants entre les gens ? Comment déconstruire ces rapports et trouver une place juste pour chacun·e ? Le combat de la colline s’est transformé en une expérimentation du quotidien, en un développement des imaginaires et en une joie de retrouver ce membre fantôme : le reste du vivant. Très peu d’entre elles et eux s’y attendaient, mais cet espace de liberté comme ils et elles n’en avaient jamais connu, leur ont permis de refaire corps avec le vivant et de prendre conscience de la puissance de leurs existences.
Ma rencontre avec la ZAD et ses habitant·e·s, ainsi que le travail artistique qui en a découlé, m’ont également permis d’observer mon propre rapport au monde et au vivant. Ces quelques mois d’observation active m’ont confrontée à moi-même, à mes choix de vie, aux oppressions que je subissais en tant que femme, et à tout ce qui m’aliénait et m’empêchait de vivre une vie plus simple. Je souhaite poursuivre ce projet et je désire que mon travail interroge et pousse à sortir des zones de confort dans lesquelles nous sommes enfermé·e·s, ainsi qu’à décoloniser nos imaginaires, pour en créer de nouveaux, plus en adéquation avec une lutte pour le vivant.
Tout comme mon projet « Un corps à soi » (exposé à Lausanne en septembre dernier) ainsi que les événements proposés dans le cadre de l’exposition ont ému et suscité de nombreuses réflexions chez les visiteurs·euses, en interrogeant leur rapport à leur propre corps et aux corps des femmes, mon travail « Cabanes des possibles » s’engage, quant à lui, et de manière plus large, à questionner les rapports de pouvoir exercés sur toutes les formes du vivant, et même du non-vivant.
Nous participons toutes et tous, et peut-être malgré nous, au seul monde qui nous est proposé et dans lequel nos corps, nos habitats et nos conduites sont déterminés et organisés. Pour sortir de cette aliénation, il faut pouvoir penser différemment, vivre autrement et sortir du cadre, pour expérimenter autre chose. Pour ce faire, il est cependant nécessaire d’avoir des espaces libérés des rapports marchands, du salariat, des espaces en friche, des espaces non définis, des espaces non aménagés. C’est ce que les habitant·e·s des ZAD entreprennent. C’est ce qu’ils et elles ont trouvé sur la colline.
ZAD de la colline (https://zaddelacolline.info)